Ajouté le 17 oct. 2025
Lors de mes expositions, mes Reflets urbains sont souvent rapprochés des toiles d’Edward Hopper — ce qui, pendant longtemps, ne manquait pas de m’étonner. Car au premier regard, nos univers picturaux semblent éloignés. Ma palette est vive, saturée de couleurs, quand celle de Hopper demeure sobre, parfois presque austère. Là où il explore l’architecture urbaine avec une rigueur géométrique, j’aborde la ville à travers le prisme déformant des vitrines parisiennes : perspectives éclatées, morcellement de l’image, superpositions et couleurs vibrantes transforment la ville en un véritable kaléidoscope.
Et pourtant, il existe bien quelque chose d’essentiel et d’universel qui relie mon travail au sien.
Hopper et le cinéma
Chez Hopper, la ville est un décor, parfois froid, mais toujours chargé d’une intensité silencieuse. On pense à Nighthawks, ce diner new-yorkais plongé dans la nuit : la lumière artificielle isole les personnages, la composition a la précision d’un plan de cinéma, et le spectateur a l’impression d’assister à une scène suspendue, au bord du récit.
C’est sans doute là que réside notre proximité : dans cette recherche d’une dramaturgie visuelle, où la peinture se fait écran, et où la solitude urbaine se dit autant par la lumière que par l’espace.
La solitude contemporaine
Hopper plaçait ses personnages dans des espaces trop vastes pour eux, comme engloutis par une architecture indifférente. Ils sont présents, mais inaccessibles, figés dans une bulle de silence.
Dans mes Reflets urbains, la solitude prend une autre forme : celle des passants fragmentés, des silhouettes et des visages fantomatiques ou morcelés par la réfraction de la lumière. L’espace urbain y est foisonnant, saturé de signes, mais chacun demeure seul face à sa propre image.
Gauguin et la force de la couleur
Si Hopper m’inspire par son atmosphère, c’est Paul Gauguin qui m’a appris la puissance expressive de la couleur. Ses harmonies intenses et audacieuses transfigurent le réel pour lui donner une dimension intérieure, presque spirituelle.
J’aime retrouver dans mes toiles cette idée que la couleur n’est pas un simple remplissage de formes, mais un langage autonome : elle porte l’émotion, elle ouvre un espace sensible où le spectateur peut entrer.
Delaunay et la vibration de la lumière
À l’opposé de l’austérité de Hopper, Robert Delaunay m’a offert un autre héritage : celui d’une peinture traversée de rythme, où la couleur est mouvement, lumière, énergie. Ses cercles, ses contrastes, ses pulsations chromatiques donnent le sentiment que la toile respire. Dans mes Reflets urbains, les vitrines jouent ce rôle : elles fragmentent l’espace, diffractent la lumière, font vibrer les couleurs. Elles transforment la ville en une composition mouvante, presque musicale.
Entre silence et éclat
En résumé, de Hopper, j’ai retenu la dramaturgie visuelle et l’évocation de la solitude contemporaine.
De Gauguin, j’ai appris à laisser la couleur prendre le premier rôle, jusqu’à devenir un langage à part entière.
De Delaunay, j’ai hérité le goût des rythmes colorés, capables de faire palpiter une surface.
Entre silence et éclat, solitude et vibration, mes Reflets urbains s’inscrivent dans ce dialogue et tentent de prolonger, à ma manière, ce qu’ils ont chacun exploré : la lumière, la couleur et la condition humaine dans l’espace urbain.